AU LONG DE MA CONSÉCRATION SÉCULIÈRE

 

 

Seeing

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Deux ans après la réunification de tout le pays du Vietnam sous le régime communiste (1977), le Collège Pontifical Saint Pie X à Da Lat (une des provinces du haut plateau central) fut fermé, et tous les séminaristes furent renvoyés chez eux. Il me fallut partir pour Dak Lak (une autre province de la même région, mais moins développé culturellement). Ma famille m’y attendait pour partager avec elle la vie très dure de la campagne et de la montagne. En fait, ma famille avait dû quitter Qui Nhon, une ville au bord de la mer, qui était aussi le siège de mon diocèse d’origine, pour s’installer dans une « nouvelle zone économique » (terme par lequel on désignait un large domaine, souvent très loin du chef-lieu, où étaient rassemblés, en collectivité, les citadins qui devaient dès lors s’adonner à l’agriculture et à la plantation). Voilà ce qu’on peut appeler les deux « exils » de ma jeunesse : exilé du berceau de ma formation sacerdotale et exilé de mon diocèse. Mais ils m’apparaissaient finalement comme une seule « diaspora », ou même une seule mission, où j’étais envoyé pour témoigner de la foi, plus souvent par ma vie que par mes paroles, auprès des non-chrétiens et des non-croyants. En effet, la plupart de mon temps était pris là-bas par la ferme collective en tant qu’agriculteur, ou dans la plantation des forêts en tant que salarié. Le reste, je le consacrais à la lecture du concile Vatican II (surtout « Gaudium et Spes ») et aux visites des voisins. Chaque samedi soir, j’ai parcouru 10 kms à bicyclette, pour faire chanter une chorale, passer la nuit chez le notable de la paroisse, et animer la messe très tôt, avant de me précipiter, à bicyclette, à toute vitesse, pour rattraper le travail à faire selon les règles qui avaient été fixées. C’était ma première expérience de la consécration séculière : être consacré en plein monde, c’était d’abord ne rien faire que « mettre mes pas dans les pas des autres, mener la même vie que les autres », sans aucun mépris ni aucune résignation.

 

Un milieu de vie à transformer

Environ deux ans après, ayant compris que nous courions le risque de vivre en grande misère, je pris la décision d’emmener mon père veuf et mes frères et sœurs à Saigon ou à Ho-Chi-Minh ville (ancienne capitale du Sud Vietnam). Là ma sœur aînée nous logea pendant l’absence de son mari, qui était retenu alors dans le camp de « rééducation » destiné aux hauts fonctionnaires et officiers de l’ancien régime. Pour gagner ma vie et soutenir ma famille, je travaillais pour enseigner l’anglais, à la fois à domicile et dans un club de langues (souvent fédéré à un collège public), et aussi comme traducteur de livres religieux, parmi lesquels ceux sur des instituts séculiers ; par exemple : la collection en 3 volumes, dirigée par Jean Beyer s.j. sur ce thème.  

La consécration séculière peut être imposée par les circonstances d’abord, mais voulue de plein gré ensuite, au fur et à mesure de nos intuitions et découvertes dans la vie sociale, professionnelle, familiale

J’y avais découvert une spiritualité bien capable de justifier ma consécration dans la vie séculière. La consécration séculière peut être imposée par les circonstances d’abord, mais voulue de plein gré ensuite, au fur et à mesure de nos intuitions et découvertes dans la vie sociale, professionnelle, familiale… Enfin, j’ai providentiellement été demandé pour donner quelques petites conférences sur la vocation séculière, et appelé à partager mes expériences sur cette vocation-là avec les membres des Instituts déjà fondés depuis quelque temps. Tout cela m’a conduit à une autre conviction : la consécration séculière nous inspire aussi le désir de rendre notre milieu de vie le meilleur possible, selon la vision chrétienne ; ce n’était plus une situation de fait, mais une vocation et une mission spéciales.

 

Vivre au cœur du monde le radicalisme évangélique

Ma vie se serait écoulée paisiblement comme telle si, à la fin de 1981, je n’avais été appelé à devenir prêtre « non déclaré » par Mgr. François Xavier Nguyen Van Thuan – lequel était empêché par les communistes d’exécuter son office d’archevêque coadjuteur de Saigon ou Ho-Chi-Minh ville ; ensuite, pire encore, mis sous la surveillance de la police dans une paroisse à environ 20 kms au nord-ouest de Hanoi. Il m’avait fait part de son appel à me joindre aux « Groupes de l’Espérance » (ou Groupes SPES) : un institut séculier fondé par lui-même, mais en lien déjà avec l’Institut Séculier des Prêtres du Cœur de Jésus, selon la recommandation émise par le Père François Morlot – un prêtre très honorable du Cœur de Jésus - qu’il avait rencontré alors qu’il visitait à Rome, pour présenter sa fondation, la Congrégation pour la Vie Consacrée (1971). En reliant tous ces événements et renseignements, j’ai trouvé un moyen de réconcilier les deux éléments qui étaient apparemment incompatibles dans ma vie : devenir prêtre comme j’y avais été longuement formé au petit séminaire et au collège pontifical ; mais toujours demeurer implanté dans ce siècle pour le servir dans les choses si chères à la condition humaine, quoique banales, en gardant l’anonymat ou plus précisément en restant laïc aux yeux du monde.

 

la spiritualité de l’Institut (regard contemplatif et discernement ignatien, aussi bien que charité pastorale du Cœur de Jésus, et solidarité bien forte avec le monde) devint vraiment le secret de l’unité de ma personne et de ma vie en plein monde.

Après quelques six mois de réflexion et de prière, j’ai été ordonné de grand matin le lendemain de Noël dans le pénombre de la sacristie de l’église. Prêtre incardiné dans un diocèse du Nord, avec l’autorisation déjà obtenue de mon ordinaire, j’ai été appelé à travailler principalement à Saigon (Sud du Vietnam). Dès lors, je pris soin des « brebis » du Christ, mais en tant que berger « sacrifié » plutôt que comme berger « sacrifiant » à travers ses actions et ses paroles. Je considérais comme mes premières « brebis » tous mes frères et sœurs de l’Institut, et tout le monde côtoyé dans ma vie sociale et professionnelle. Mais vite sont passés la joie et le bonheur de celui qui était prêtre seulement aux yeux de son seul Seigneur, comme Son propre bien privé. Car très vite aussi est venu le déchirement entre le service au monde (en mon cas, celui de ma famille et de l’éducation scolaire où je m’étais engagé toujours plus loin comme un vrai séculier) et le service propre à l’Église (célébration des sacrements, formation doctrinale et spirituelle pour les membres de l’Institut séculier, édition des livres de religion ; bref, les taches d’un vrai homme d’Église). Alors la spiritualité de l’Institut (regard contemplatif et discernement ignatien, aussi bien que charité pastorale du Cœur de Jésus, et solidarité bien forte avec le monde) devint vraiment le secret de l’unité de ma personne et de ma vie en plein monde. Pour rendre plus féconde cette spiritualité dans ma vie, j’ai demandé l’engagement perpétuel en 1991. C’est ma troisième conviction sur la consécration séculière : on ne peut pas recueillir des fruits de la vocation séculière sans la nourrir avec le radicalisme évangélique, professé dans la ligne de la spiritualité de l’institut.

 

Répondre à des appels toujours nouveaux

Le dynamisme de cette spiritualité m’animait très fort, même quand je fus « embauché » plus encore dans les activités ecclésiales, comme l’enseignement de la théologie, la direction des retraites, l’accompagnement spirituel pour des religieuses et des séminaristes externes (à partir de 1992). Mon sacerdoce était de plus en plus déclaré, non seulement dans l’Églises, mais encore aux yeux de l’État. En 2006, le nouvel Archevêque de Hanoi m’a proposé, avec l’accord de mon supérieur, de me transférer du diocèse de mon incardination au sien, pour travailler dans le séminaire interdiocésain. Pour cela, bien sûr, il fallait gagner la reconnaissance de l’État sur mon statut sacerdotal. Les responsables de l’État m’imposèrent un ou deux ans d’attente pour reprendre des cours dans un tel séminaire « légal » (reconnu comme tel par l’État). En fait, ni l’imposition de la reprise des cours ni l’adaptation à un nouveau travail dans séminaire du Nord n’étaient un grand problème pour moi. Mais je craignais de perdre le contact, qua j’ai réussi à entretenir depuis longtemps, avec le monde et avec la Famille Cor Unum au Vietnam. Au moyen du discernement, avec un regard contemplatif, j’ai alors considéré que le monde était toujours en changement, et que la consécration séculière consistait primordialement à vivre la reconnaissance et l’amour dans le monde tel qu’il est. Cela demandait non seulement l’ouverture de mon âme et de mes yeux, mais ma souplesse et ma mobilité. En fin de compte, pour accomplir la consécration séculière, on doit se mettre toujours à l’écoute des nouveaux appels de Dieu dans le courant de la vie et leur répondre avec enthousiasme…

 

 

Pierre DANG XUAN THANH
(Dans le bulletin mensuelle de la Famille Cor Unum, numéro spécial de 2009 -2010 « Année sacerdotale. Modèles de prêtre »)

 

 



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