DES CHANGEMENTS
DANS L’ENSEIGNEMENT DE LA DOCTRINE SOCIALE
DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE
DANS LE SÉMINAIRE DE HÀ NỘI

 

 

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Une fois précisé le titre de cet article, je voudrais me situer dans les deux limites : ce qui va être présenté ici avait lieu au moins dans ces dernières années dans le grand séminaire à Hà Nội – la capitale du Việt Nam – qui réunit les séminaristes des 8 diocèses parmi les 10 dans le Nord du pays (les 2 autres partagent leur propre séminaire situé à la province de Vinh aux frontières entre le Nord et le Centre du pays) ; l’article va traiter seulement de l’enseignement, non pas de la pratique, de la doctrine sociale de l’Église Catholique, même si leurs connaissances fondamentales dans cette matière vont aider les futurs prêtres à jeter le fondement pour leur service sociale dans l’avenir.

 

En outre, parler des changements suppose des différences par rapport à ce qui s’est déroulé auparavant dans l’enseignement de la même matière chez les séminaires du Việt Nam (c’est pourquoi on ne peut pas ignorer l’enseignement de la doctrine sociale de l’Église dans les autres séminaires du passé, au moins dans le Collège Pontifical Saint- Pie X où j’en avais pris le cours avant 1975 – la date qui a marqué le changement définitif dans tous les domaines de la vie personnelle et sociale des Vietnamiens par la réunification de tout le pays sous le régime communiste). Ces changements dans la présentation ou le traitement de la matière – ce qui est le plus visible – sont demandés par la mutation du pays et de l’Église au Việt Nam, et ensuite par celle du rapport entre les deux entités. Celle-ci est encore motivée par l’optique prise par chacune sur l’identité et la fonction de l’une et de l’autre.

 

1. Changement dans la place donnée à la doctrine sociale de l’Église Catholique et dans la manière d’en traiter chez les séminaires du Việt Nam

Chez la plupart des séminaires du Việt Nam avant 1975, la doctrine sociale de l’Église Catholique a été enseignée dans le premier cycle d’études (cycle de philosophie) à côté des matières proprement philosophiques comme une sorte de supplément à la sociologie ou comme un chapître dans la philosophie de morale et politique. Dans ce petit cours on s’est contenté d’interpréter le Magistère sur les problèmes sociaux dans certains documents. On a rarement traversé les limites du séminaire pour saisir à vif les questions bien aiguës et actuelles du pays d’alors. On a craint d’être étiqueté comme socialiste et même communiste en poussant son aventure trop loin dans la terre des marginalisés. Par conséquent, les séminaristes n’ont recueilli ni les connaissances fondamentales et nécessaires de la doctrine sociale de l’Église ni des informations vraies et suffisantes sur l’actualité bien criante du pays.

On a maintenu cette méthodologie dans plusieurs années même après 1975 avec un sens inverse : auparavant la peur d’être mal accusé socialiste et communiste a freiné le traitement plus vif des problèmes sociaux, maintenant le freinage vient de la peur d’être mal condamné réactionnaire et révolutionnaire contre l’ordre établi. Grâce à l’ouverture par l’État au marché libre pour sauver le peuple de la faim et de la misère si réels (en 1990 pour les premiers résultats visibles de l’ouverture) et surtout grâce aux moyens modernes de la mass media de plus en plus disponibles, tout le peuple a été alarmé sur d’innombrables violations contre la justice personnelle et sociale, ensuite réveillé pour mener à fond l’analyse sociologique et mobilisé à la réaction éventuelle. Dans cette ambiance, on ne peut pas léguer dans l’ombre les problèmes sociaux si percutants (comme corruption, fraude, trafic, népotisme, bandes, bureaucratie… dans l’éducation publique et le soin social de la santé, dans la gestion des affaires économiques et financières, dans le traitement des affaires et hommes de religion, etc…). Les séminaristes doivent être bien renseignés non seulement sur les concepts et les principes de base de la doctrine sociale de l’Église, mais aussi sur l’actualité de plus en plus choquante du pays. C’est ce qui a été sous-entendu dans le Ratio de la formation des séminaristes, rédigé par la Commission du Clergé et des Séminaristes de la Conférence Épiscopale du Việt Nam, et approuvé par les Dicastères Romains compétents en 2010 quand est décidé le fait que la doctrine sociale de l’Église va être enseignée comme une partie intégrale de la morale sociale dans le cycle de théologie, au lieu d’être avancée dans le cycle de philosophie comme jadis .

On ne peut pas léguer dans l’ombre les problèmes sociaux si percutants (comme corruption, fraude, trafic, népotisme, bandes, bureaucratie… dans l’éducation publique et le soin social de la santé, dans la gestion des affaires économiques et financières, dans le traitement des affaires et hommes de religion, etc…). Les séminaristes doivent être bien renseignés non seulement sur les concepts et les principes de base de la doctrine sociale de l’Église, mais aussi sur l’actualité de plus en plus choquante du pays.

Depuis lors, nous avons donné la place plus grande à la morale sociale et à la doctrine sociale de l’Église dans le cycle de théologie au séminaire de Hà Nội. Surtout, après avoir assimilé la doctrine sociale dans la substance (nous avons été heureux d’avoir sous la main les traductions vietnamiennes de presque tous les documents sociaux pontificaux et même du « Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église Catholique » publié par le Conseil Pontifical « Justice et Paix » en 2004), les séminaristes de la 3e ou 4e année de théologie vont travailler en équipe sur les problèmes sociaux saillants du pays, abordés dans les mass media officiels et affrontés dans leur travail pastoral au long des années académiques ou du temps de leur stage. Pendant leurs deux dernières années académiques de théologie, les séminaristes sont souhaités de pratiquer leur travail pastoral dans le secteur social plutôt que dans le secteur ecclésial pour être mieux sensibilisés par les problèmes sociaux et pour les envisager sur le vif .

En dépit du monopole des mass media par l’État, on peut réussir à saisir les problèmes dans leur substance en confrontant les échos de toutes les parts du pays et même du monde. D’abord, les séminaristes sont recommandés à entamer leur dialogue par la lecture désintéressée et patiente des expressions écrites et orales de l’État ou de ses agents dans les quotidiens, les périodiques et les sites d’Internet du Việt Nam (notamment ceux du plus grand tirage et de la plus fréquente consultation, souvent dirigés par l’intelligentsia du pays). Ensuite, on va procéder à déchiffrer le positif et le négatif dans leur traitement des problèmes. Ici on ne peut pas accomplir le déchiffrage ou l’évaluation sans le recours à la doctrine sociale de l’Église. La plupart du temps on a la chance de vérifier le plus grand obstacle pour la solution dans la philosophie marxiste gravement estropiée de l’homme et de la société. Pour finir leur travail, les séminaristes sont encouragés d’esquisser les pistes d’un travail ultérieur, notamment celui mené par l’Église elle-même, plutôt que des solutions bien définies pour les problèmes. De cette manière, on a la chance de pratiquer la méthodologie du travail de la JOC : voir, juger, agir, laquelle était prouvée depuis longtemps très pertinente dans le traitement chrétien des problèmes sociaux. Le travail de l’équipe va être présenté à la critique de toute la classe et à l’évaluation du professeur pour devenir une œuvre collective.

 

2. Changement dans l’optique sur l’Etat et l’Église aussi bien que sur le rapport entre eux

On peut dire qu’il n’y aurait le changement ni dans la place donnée à la doctrine sociale de l’Église dans le programme d’études des séminaristes ni dans la manière de traiter des problèmes sociaux d’actualité, s’il n’y en avait pas le changement dans l’optique des chrétiens sur l’État et l’Église aussi bien que sur le rapport entre eux.

En effet, même si le Concile de Vatican II a célébré sa clôture depuis 1965 ou un quart du siècle avant l’ouverture déclenchée par les autorités civiles du Việt Nam (1990), les chrétiens ne partageaient pas encore la reconnaissance de l’existence légitime et nécessaire de l’État par le Concile et par conséquent, ils ne croyaient pas dans la possibilité des relations de collaboration entre l’État et l’Église. Cela s’avérait plus difficile depuis que tant de mesures coercitives étaient longuement imposées par l’État sur le personnel et la propriété des Églises. Par l’étude des documents de Vatican II on parvient à confirmer la volonté de l’Église pour le dialogue avec l’État. De même, en constatant des efforts indéniables de l’État pour la vie meilleure du peuple et en analysant des progrès, peut-être non pas universels dans toutes les échelles de l’autorité mais réels, dans sa considération sur la dignité fondamentale de la personne humaine, les chrétiens sont encouragés d’entreprendre le dialogue et la collaboration avec l’État.

De cette façon, par leur travail régulier sur les problèmes sociaux sous l’éclairage de la doctrine sociale de l’Église, les séminaristes vont s’engager avec intelligence et courage dans le combat pour la justice sociale, qui n’est jamais réduite à la revendication de la juste propriété, mais qui couvre tous les domaines de la vie humaine et touche à tous les droits humains.

C’est dans cette ambiance nourrie d’espoirs et c’est en vue des relations meilleures entre l’Église et l’État que les séminaristes sont demandés à la lecture plus sympathique des réflexions des auteurs dans les mass media officiels avant de les soumettre à la critique de la doctrine sociale de l’Église pour en mettre en pratique les conclusions éventuelles. Ici nous voulons faire écho à la lettre pastorale de la Conférence Épiscopale du Việt Nam en 1980, où tous les diocèses du Viet Nam ont été représentés pour la première fois pour affirmer une fois pour toutes leur volonté de partager le sort du peuple vietnamien « pour le meilleur et pour le pire » - une volonté unanime répétée dans les lettres annuelles de la Conférence , ensuite au discours du pape Benoît XVI à la délégation des évêques du Viet Nam lors de leur visite « ad limina » en 2009 , et enfin au rappel de Mgr. Leopoldo Girelli, représentant non résident du Saint-Siège au Việt Nam, aux prélats du Việt Nam pendant chacune de ses visites aux diocèses dans tout le pays . Ces paroles sont devenues particulièrement riches d’implications pour la réflexion et pour l’action, après que des conflits, parfois violents, entre l’État et l’Église sur le droit de propriété, de culte, de visite pastorale… ont été déclarés.

De cette façon, par leur travail régulier sur les problèmes sociaux sous l’éclairage de la doctrine sociale de l’Église, les séminaristes vont s’engager avec intelligence et courage dans le combat pour la justice sociale, qui n’est jamais réduite à la revendication de la juste propriété, mais qui couvre tous les domaines de la vie humaine et touche à tous les droits humains. En s’acquittant de leurs tâches pastorales dans l’avenir, les futurs prêtres n’oublieront pas leur devoir de conscientiser et dynamiser le peuple chrétien à la justice et à la charité sociales au sens plénier comme ils l’ont été eux-mêmes pendant leurs années de formation.

 

3. En vue des changements dans le sein de l’Église elle-même

À vrai dire, en tant qu’un organisme humain, l’Église doit subir bien des changements, positifs et négatifs à la fois, comme tous les autres, au long de son histoire. Dans ces dernières décennies, l’Église Catholique au Việt Nam ne pouvait éviter des vicissitudes, parmi lesquelles les risques et ténèbres malheureusement et quelquefois avaient la voix plus forte. On ne peut ignorer l’esprit de paternalisme chez un certain nombre du clergé, la soumission presque servile chez beaucoup de religieuses et la mentalité de spectateur-consommateur chez une grande partie du laïcat. Mais sans la réflexion critique profonde, on ne parviendrait pas à donner les réformes nécessaires à l’Église au Viet Nam. De par leur tempérament et de par leur culture, les chrétiens vietnamiens ne sont pas souvent favorables à l’analyse critique et ouverte des problèmes dans le sein de leur Église elle-même et par conséquent, ils ne réussissent pas à trancher les problèmes. Même ayant bien saisi les principes de la doctrine sociale de l’Église (comme le principe de mettre tout l’homme et tous les hommes au centre de toutes les œuvres humaines, celui du bien commun, celui de subsidiarité et de solidarité, celui de démocratie et participation…), on ne veut pas les mettre en œuvre sérieusement. Mais si l’Église ne respectait pas les droits de l’homme dans son propre comportement, pourrait-elle encore être prise au sérieux dans ses interventions en leur faveur ? « Médecin, guéris-toi toi-même », pourrait-on avec raison lui objecter, suivant le célèbre proverbe cité par Jésus lui-même (Lc 4,23). Tel était aussi le point de vue de Paul VI dans son Message au monde du 23 octobre 1974 : « Dans le désir de se convertir pleinement à son Seigneur et de mieux accomplir son ministère, l’Église entend manifester respect et souci des droits de l’homme à l’intérieur d’elle-même » . C’est pourquoi, à côté du travail sur les problèmes sociaux du pays, les séminaristes sont initiés à le faire de même pour les problèmes aussi urgents de l’Église elle-même.

Comment former les laïcs sur leur responsabilité sociale et politique si les prêtres eux-mêmes n’en ont pas déjà reçu la formation sociale et politique adéquate ? La formation sociale et politique est de plus en plus exigée à tous les chrétiens, si on sait encore que le salut remporté par le Christ n’est pas tout simplement quelque chose de spirituel en opposition avec le charnel, ou quelque chose de surnaturel en opposition avec le naturel, mais il est l’un et l’autre à la fois ou englobant tous les deux.

Un des prétextes auquel la plupart des prêtres se recourent souvent pour justifier leur part active, contre le gré explicite ou implicite de leur Ordinaire, dans les organisations sociales et politiques érigées par les autorités civiles en pouvoir (comme ‘La Comité pour la Solidarité des Catholiques Vietnamiens’, ‘Le Front National de la Patrie’, ‘Le Conseil Municipal du Peuple’…) est suivant : leur présence dans ces organisations est tout à fait provisoire tandis que les laïcs n’y prennent pas encore leur place. Sans entrer dans la discussion pour savoir si le prétexte est juste ou non, nous pouvons leur demander comment les laïcs sont assez qualifiés pour s’engager dans la vie politique, s’ils n’ont pas été bien formés ; et comment former les laïcs sur leur responsabilité sociale et politique si les prêtres eux-mêmes n’en ont pas déjà reçu la formation sociale et politique adéquate ? La formation sociale et politique est de plus en plus exigée à tous les chrétiens, si on sait encore que le salut remporté par le Christ n’est pas tout simplement quelque chose de spirituel en opposition avec le charnel, ou quelque chose de surnaturel en opposition avec le naturel, mais il est l’un et l’autre à la fois ou englobant tous les deux. Des chrétiens vietnamiens n’auraient-ils pas pu tomber dans le désespoir qu’ils ont dû partager avec leurs concitoyens, s’ils avaient été donnés la chance égale à donner la main dans des œuvres publiques du pays et s’ils avaient bien profité de la chance pour faire réussir le bien commun du peuple ? Pendant la préparation pour l’Assemblée Nationale du Peuple de Dieu lors de le 50e anniversaire de l’érection canonique de l’hiérarchie de l’Église Catholique au Việt Nam (1960-2010), le point d’attirer le plus grand intérêt trouvé dans presque tous les rapports est la formation nécessaire et de haute valeur pour la prise de responsabilité par le laïcat vietnamien non seulement dans l’Église mais aussi dans le monde . Pour avoir la contribution authentique de l’Église Catholique du Việt Nam dans l’avenir de son pays, ses laïcs doivent être non seulement les « pratiquants » mais aussi les « militants ». Cependant, une des raisons pour expliquer la place encore tout petite de la formation chrétienne des laïcs dans la pastorale paroissiale et diocésaine est que le clergé ne se trouve pas très sûr dans leur connaissance humaine et théologique, surtout en ce qui concerne des problèmes sociaux.

La perspective d’avoir à la disposition une force des laïcs responsables et de les embaucher dans la mission de l’Église est si vaste et si ambitieuse que toutes les ressources de l’Église doivent être mobilisées à longue haleine, et depuis lors la Doctrine Sociale de l’Église ne peut être négligée dans la formation de tous les chrétiens et tout d’abord, dans la formation des futurs prêtres.

 

 

Pierre DANG XUAN THANH
Directeur des études

 

 



i- La Commission du Clergé et des Séminaristes de la Conférence Épiscopale du Việt Nam, «Ratio pour la formation des prêtres diocésains. Orientations et Directives », 2010, no. 400.

ii- Ibid., no. 409.

iii- “L’amour à l’égard de leur patrie et de leurs compatriotes est pour les catholiques vietnamiens n’est pas simplement un sentiment naturel, mais aussi une exigence de l’Évangile”, cité par la Conférence Épiscopale du Việt Nam dans le Message Final de l’Assemblée Nationale du Peuple de Dieu 2010.

iv- «Par le témoignage d’une vie fondée sur la charité, l’honnêteté, l’estime pour le bien commun, vous devez prouver que un bon catholique est aussi un bon citoyen», cité par la Conférence Épiscopale du Việt Nam dans le Message Final de l’Assemblée Nationale du Peuple de Dieu 2010.

v- Dans le petit discours adressé à la première session de la Conférence Épiscopale pour l’année 2012, Mgr. Leopoldo Girelli, inspiré de la sortie de Jésus-Christ du tombeau, a invité l’Église au Việt Nam à sortir non seulement des lettres mortes de l’Écriture Sainte mais encore à sortir de ses préoccupations internes pour rencontrer plus de 90% du peuple non chrétien dans sa vie réelle avec le message du Ressuscité. Cf. Le rapport du 2e jour du travail de la Conférence Épiscopale du Việt Nam sur www.hdgmvietnam.org.

vi- René Coste, “L’Église et les droits de l’homme”, Desclée 1982, ch. VII « La mission de l’Église », p. 87-94.

vii- Cf. Le rapport de la Commission du Laïcat de la Conférence Épiscopale du Viet Nam sur « Le rôle du laïcat dans l’Église Catholique au Viet Nam pendant les dernières 50 annéess» : www.hdgmvietnam.org.


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